Pour atteindre la neutralité carbone, il faut s'attaquer à certaines des sources de dioxyde de carbone les plus tenaces. Si les énergies renouvelables et l'électrification permettent de supprimer de nombreuses émissions, certains procédés industriels restent difficiles à décarboner. La fabrication du ciment, par exemple, libère du CO₂ via le procédé chimique lui-même. L'aviation requiert des carburants à haute densité énergétique que les batteries ne peuvent pas encore remplacer. L'incinération des déchets — essentielle pour gérer les flux de déchets générés par la société moderne — produit des émissions quelle que soit la source de combustible utilisée.²
Ces secteurs difficiles à décarboner constituent un défi majeur dans la lutte contre le changement climatique. Selon le Centre pour les solutions climatiques et énergétiques, les technologies de captage, d'utilisation et de stockage du carbone permettent de capter plus de 90 % des émissions de dioxyde de carbone des centrales électriques et des installations industrielles. L'organisme estime que le captage du carbone permettra d'atteindre 14 % des réductions mondiales des émissions de gaz à effet de serre nécessaires d'ici 2050, et qu'il est considéré comme le seul moyen pratique de parvenir à une décarbonation profonde dans le secteur industriel.
Alors que les pressions réglementaires s'intensifient et que les engagements climatiques des entreprises deviennent plus ambitieux, les industries se tournent vers le captage du carbone comme outil essentiel pour atteindre leurs objectifs de décarbonation. La technologie passe des projets pilotes au déploiement commercial, créant des opportunités pour les entreprises qui possèdent l'expertise nécessaire à sa mise en œuvre à grande échelle.
Comprendre les approches du captage du carbone
Le captage du carbone prend deux formes principales, chacune servant des objectifs différents dans la boîte à outils de décarbonation. Le captage au point source cible les émissions à leur origine, comme les cheminées d'une installation industrielle, d'une centrale électrique ou d'un incinérateur de déchets. La concentration de CO₂ dans ces flux d'échappement étant généralement d'environ 10 %, le captage est économiquement plus viable que l'extraction du CO₂ de l'air ambiant.
Le captage direct dans l'air est une approche techniquement plus complexe, qui consiste à extraire le CO₂ directement de l'atmosphère, où sa concentration n'est que de 400 parties par million. Elle est plus gourmande en énergie et plus coûteuse que le captage au point source, mais elle offre des avantages uniques. Elle peut être mise en place n'importe où et permet de traiter les émissions héritées déjà présentes dans l'atmosphère.
Pour les entreprises exploitant des installations de valorisation énergétique des déchets, le captage du carbone offre une opportunité particulièrement intéressante. La combustion des déchets organiques tels que les restes alimentaires, le papier ou le bois, libère du CO₂ biogénique, que les plantes ont initialement absorbé dans l'atmosphère par photosynthèse. Le captage et le stockage de ce CO₂ biogénique génèrent des émissions nettes négatives, en éliminant efficacement le carbone de l'atmosphère tout en gérant les principaux flux de déchets. En cela, le captage du carbone issu de la valorisation énergétique des déchets se distingue des applications portant sur les combustibles fossiles, où le captage empêche simplement de nouvelles émissions plutôt que de les inverser.
Une fois capté, le CO₂ emprunte l'une des deux voies suivantes : le stockage ou l'utilisation. Le stockage géologique, qui consiste à séquestrer le CO₂ dans le sous-sol, dans des gisements de pétrole et de gaz épuisés ou dans des aquifères salins profonds, le retire définitivement de l'atmosphère. L'utilisation quant à elle transforme le CO₂ capté en produits de valeur tels que des carburants durables pour l'aviation, des matériaux de construction, des ressources pour l'agriculture locale ou des produits chimiques industriels.
Le rôle pluriel de Veolia
La mise en œuvre du captage du carbone demande une expertise dans plusieurs disciplines, et ses diverses capacités mettent Veolia en position d'aborder ce défi sous plusieurs angles.
En tant qu'opérateur industriel qui gère des installations de valorisation énergétique des déchets, des centrales de chauffage urbain et des sites de production de biogaz, Veolia se trouve face à ses propres exigences de décarbonation. Notre expérience concernant les émissions industrielles nous offre un précieux aperçu des défis pratiques liés à la mise en œuvre de systèmes de captage du carbone dans les installations en service.
Dans notre rôle en tant que prestataire de services, cette expertise s'étend à des clients de multiples secteurs. Exploiter des installations pour le compte de municipalités et de partenaires industriels implique de comprendre le profil d'émissions propre à chaque site, la disponibilité énergétique, et les possibilités d'utilisation localement. Les systèmes de captage du carbone doivent s'intégrer parfaitement aux opérations existantes sans perturber les services essentiels.
L'expertise chimique est une autre composante critique. Le captage du carbone au moyen de systèmes aux amines — technologie actuellement la plus aboutie pour les applications au point source — repose sur le maintien de la qualité des solvants et l'optimisation des procédés chimiques. La division services chimiques de Veolia cumule des décennies d'expérience en gestion de systèmes similaires dans les raffineries et les usines de transformation du gaz, un savoir-faire directement transposable aux opérations de captage du carbone.
Démonstration et investissement
Veolia développe ses capacités de captage du carbone dans le cadre de projets de démonstration ciblés qui orienteront les futurs déploiements. L'entreprise prévoit d'investir 12 millions d'euros d'ici 2028 dans des unités pilotes de captage et de récupération du carbone mises en œuvre à l'échelle industrielle.
Le premier projet, mené en partenariat avec Le Mans Métropole en France, porte sur le déploiement d'un système de captage du carbone dans une usine de valorisation énergétique des déchets exploitée par Veolia depuis 50 ans. À sa mise en service en 2026, l'unité de démonstration traitera jusqu'à 10 tonnes de CO₂ par jour. Le CO₂ capté sera liquéfié et pourra être valorisé localement, offrant ainsi des opportunités d'économie circulaire dans la région.
Un second projet pilote sera lancé en 2026, sur le site de traitement des déchets dangereux de Veolia, à Port Arthur, au Texas. Ce projet mettra à l’essai une technologie innovante conçue spécialement pour répondre aux spécificités de l'incinération des déchets dangereux.
Ces projets de démonstration permettent d'acquérir une expérience pratique des opérations de captage du carbone, ils génèrent des données techniques pour étayer les conceptions futures et ils démontrent la viabilité de différentes solutions pour différents types d'installations. Ils contribuent également à l'engagement pris par Veolia de réduire de 50 % ses émissions de carbone de scope 1 et 2 d'ici 2032 dans le cadre de son programme stratégique GreenUp.
Une approche holistique de la décarbonation
La technologie de captage du carbone continue de progresser à mesure que de plus en plus d'installations passent de la planification à l'exploitation. Les années à venir verront une nouvelle baisse des coûts, une amélioration de l'efficacité énergétique et une expansion des filières d'utilisation du CO₂. Pour les industries confrontées à des émissions difficiles à réduire, le captage du carbone est un outil capital pour respecter les engagements climatiques tout en maintenant les opérations essentielles.
L'approche agnostique et collaborative de Veolia conjugue une expérience pratique de l'exploitation et une expertise technique dans les domaines du traitement de l'eau et du gaz, de la gestion des produits chimiques et des systèmes industriels. L'étendue de nos capacités nous permet d'aborder les défis liés au captage du carbone de manière holistique, depuis les évaluations initiales jusqu'à la conception des systèmes, leur mise en œuvre et leur exploitation à long terme. Nous continuons à développer la base de connaissances nécessaire à un plus large déploiement, alors que le captage du carbone passe du statut de technologie émergente à celui de pratique courante dans la décarbonation industrielle.
Contactez nos experts pour découvrir comment les solutions de captage du carbone peuvent contribuer aux objectifs de décarbonation de votre installation.
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Auteur | Pablo Reali
Directeur général, Solutions énergétiques et procédés, Veolia